Raoul gagne du terrain.

Mon père n'est plus que l'ombre de lui même. il se replit, se recroqueville dans sa coquille. Je ne le reconnait plus. Physiquement, déjà, il a beaucoup maigi, mais psychologiquement aussi, il n'écoute plus, il est ailleurs. Rien ne le touche vraiment.

Nous leur avons rendu visite le week end dernier sans qu'il puisse vraiment en profiter, et nous non plus d'ailleurs.

Il passe beaucoup de temps à dormir le jour et la nuit, les idées noires l'assaillent. Il pleure.

Je me sens tellement impuissante et inutile J'ai essayé de lui parler mais rien n'y fait. Raoul est trop fort.

Ma mère est épuisée de cet affreux quotidien. Elle est tellement triste et c'est ce qui me fait le plus de peine.Elle se sent seule. Que faire, que dire ? Je ne sais plus.

Vendredi dernier, devant l'échec de la dernière chimio, il a commencé un nouveau traitement : l'immunothérapie. Je n'ose plus y croire même si au fond de moi, l'espoir se cogne à mon plafond d'idées noires.

La maison du bord de mer est vendue, nous n'y retournerons plus. Quelle difficile épreuve. Il faut la vider, trier 40 ans de souvenir, faire place nette pour qu'une nouvelle famille en profite. Je leur en veux, ils payent la maison le prix fort mais nous volent notre bonheur si précieux.

Je n'ose penser à l'avenir, même proche.

A la maison, avec les enfants, je donne le change tant bien que mal. J'essaye de maintenir une vie normale et pleine de joie pour les eux. C'est de plus en plus dur. J'ai l'impression de porter un puzzle fragile dont les pièces tombent au sol une à une.